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"L'avortement est comme un mur entre nous"

Jean, 49 ans, trois enfants, deux cas d’avortement

« La première fois, c’était avec une hôtesse de l’air avec laquelle je m’étais mis en ménage. J’avais à peu près 21 ans, c’était ma première expérience de vie commune. […] Très rapidement, elle est tombée enceinte et elle espérait faire sa vie avec moi. Et pour moi il n’en était pas question. […] Cela s’est assez mal passé parce que je crois qu’elle voulait garder cet enfant. Moi, j’avais le sentiment d’être pris dans les fils d’une toile d’araignée, dans un piège qui allait se refermer sur moi. […]

Finalement, elle a accepté, elle s’est fait poser une sonde par une sage-femme et un médecin l’a avortée. […] Elle a été traumatisée. Je l’ai revue il y a quelques années et je sais que c’était encore son amour, son enfant… Depuis, elle n’a pas eu d’enfants.

Je crois qu’à l’époque, je me suis senti un peu merdeux, oui, merdeux de mon aventure, d’avoir fait du mal à cette femme, beaucoup sans doute, oui bien sûr. Mais pour moi c’était ma vie, je ne pouvais pas avoir cet enfant. Elle aurait pu briser ma vie mais mon pouvoir persuasif… Peut-être que je lui ai fait croire qu’on en aurait d’autres, je ne crois pas mais c’est possible. Il y a des histoires comme ça, on dit : « Pas celui-là parce que ce n’est pas le bon moment, etc. » et après on s’en va.

L’avortement est comme un mur entre nous

La deuxième fois, j’avais 25 ou 26 ans et je suis tombé très très amoureux d’une jeune fille, une femme qui devait avoir 24 ans. Pendant très longtemps cette histoire a été mon amour qui m’a poursuivi. […] Nous sommes allés dans une clinique. Elle a été opérée sous anesthésie générale. Je l’ai accompagnée […]

Enfin, avec cette femme que j’aimais, nous nous sommes vus peut-être trois ou quatre fois après l’avortement. C’était toujours tragique. Moi, je pensais que j’avais eu tort de ne pas garder cet enfant. Je sais qu’elle l’a vécu tragiquement parce qu’en sortant de la clinique, elle me disait : « Est-ce que tu crois qu’il vivait ? Est-ce que tu crois… » Elle posait des questions comme s’il s’était agi d’un enfant. Je pense que pour elle quelque chose a dû se casser. Pour moi… moi j’étais en demande, moi j’aurais fait ma vie avec elle. Aujourd’hui je sais qu’elle n’a pas d’enfant. Je sais ce qu’elle est devenue mais je n’ai pas envie d’en parler.

Je l’ai aperçue plus tard, mais on se voit et on ne se parle pas. L’avortement est comme un mur entre nous. C’est réellement mon amour de jeunesse. Je me suis demandé longtemps si je n’avais pas fait un mauvais choix. Je pense qu’elle a eu le sentiment d’une faute au sens chrétien, ne serait-ce que par les questions qu’elle posait en sortant de la clinique. […] »

 Jean, « L’avortement : 20 ans après », Lorette Thiboud

"L'avortement est comme un mur entre nous"