La France offre un cadre légal à l’accouchement sous X qui n’a pas d’équivalent dans les autres pays. Il protège le désir du secret de la femme accouchant dans l’anonymat tout en l’encourageant à donner des informations non identifiantes à son bébé sur les circonstances de l’abandon, ses antécédents médicaux ou tout autre information qu’elle souhaiterait donner à son enfant.
L’accouchement sous le secret suscite de nombreuses questions éthiques, juridiques et sociales avec un débat de fond sur l’équilibre entre la protection du secret de la mère et le droit d’accès aux origines de l’enfant. Ces questions ont fait l’objet de plusieurs recours en France au fil des années pour tenter de lever l’anonymat des mères au nom des droits de l’enfant à connaître ses origines, en 2000, 2006, 2011. L’académie de médecine a toujours refusé une telle demande.
Revenons sur l’historique de cette démarche en France, les conséquences et les enjeux pour la mère et pour l’enfant.
Qu’est-ce que l’accouchement sous X ?
L’accouchement sous X en France permet à une femme de donner naissance à un enfant de manière anonyme, sans révéler son identité, qui ne sera pas enregistrée sur l’acte de naissance. C’est une procédure légale qui vise à protéger les mères qui souhaiteraient accoucher dans le secret.
Dans les faits, l’anonymat est mis en place dès l’admission à l’hôpital de la femme enceinte ou sur demande au cours de la grossesse. Le dossier médical de la mère portera alors un pseudonyme ou un numéro de dossier. Le parcours médical se déroulera ensuite de manière standard. A la naissance, le bébé se verra attribuer 3 prénoms dont un servira de nom de famille. L’Aide sociale à l’enfance (ASE) prendra alors en charge le bébé qui sera d’abord placé dans un foyer d’accueil temporaire avant d’être éligible à une adoption. La mère dispose d’un délai de 2 mois pour revenir sur sa décision et choisir de prendre en charge l’enfant. Pour se rétracter, elle devra se présenter dans n’importe quelle mairie avec un justificatif d’identité et un justificatif de domicile datant de moins de 3 mois.
Le père peut aussi, dans ce même délai de deux mois se faire connaître et choisir de prendre en charge l’enfant. S’il ne connaît pas le lieu ni la date de la naissance, il pourra saisir le Procureur de la République pour effectuer des recherches en s’adressant au Tribunal judiciaire.
Si l’enfant a été reconnu par son père avant l’accouchement, sa filiation peut être établie.
Passé le délai de 2 mois après sa naissance, l’enfant confié devient pupille de l’État à titre définitif et devient juridiquement adoptable. Les parents biologiques ne peuvent plus reconnaître leur enfant. Si celui-ci est adopté suite à un jugement d’adoption plénière, l’acte de naissance original est annulé et remplacé par un nouvel acte de naissance sur lequel figurent les parents adoptifs établissant ainsi un lien de filiation. L’enfant apparaîtra comme né de ses parents adoptifs.
La mère biologique pourra à tout moment de sa vie, lever l’anonymat et révéler son identité en adressant une demande écrite au CNAOP (Conseil National pour l’accès aux origines personnelles), informations qui seront transmises à l’enfant s’il en fait la demande.
Historique de la législation relative à l’accouchement sous X en France
C’est en 1941 que l’accouchement sous X a été légalisé en France, sous le régime de Vichy. Cependant cette pratique existait déjà clandestinement. Au XVIème siècle, à l’initiative de Vincent de Paul, les hospices recueillaient déjà des nourrissons déposés par leurs mères dans un tourniquet situé dans le mur de l’hospice. Une cloche permettait de prévenir l’hospice afin qu’une personne à l’intérieur des murs vienne recueillir le nouveau-né. La législation de 1941 visait à lutter contre les abandons d’enfants, les avortements clandestins et les infanticides, en offrant une protection aux femmes vivant des situations de détresse. Cette loi a donné lieu au cours des années à plusieurs réformes prenant en compte les évolutions sociales et juridiques. Actuellement, une femme qui accouche dans le secret doit recevoir une information complète sur :
- Les conséquences de l’abandon de l’enfant
- La possibilité pour la mère de révéler son identité sous pli fermé à son enfant ou d’autres informations non identifiantes
- Les délais et conditions de rétractation
- Le régime des tutelles des pupilles de l’État qui s’appliquera à l’enfant
- Les aides financières permettant d’aider la mère à élever son enfant
La mère peut choisir de laisser à son enfant, sous pli fermé, un objet ou les éléments suivants:
- Son identité (nom, prénom, coordonnées), si elle le souhaite
- Des éléments non identifiants, tels que :
– des renseignements sur sa santé et celle du père
– les origines de l’enfant (géographique, familiale, culturelle)
– les circonstances de la naissance
– les raisons de sa décision d’accoucher sous X
Ces informations sont conservées par les services du département et pourront être communiquées à l’enfant, notamment s’il en fait la demande à sa majorité ou à partir de 13 ans s’il est accompagné d’un parent adoptif. La mère peut aussi choisir de ne rien laisser du tout.
Suite aux nombreux débats sur la levée de l’anonymat qui reste une question discutée aujourd’hui en France, le CNAOP (Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles) a été créé en 2002 afin de donner un cadre institutionnel pour résoudre les questions relatives à l’accès aux origines de ces enfants nés sous X et de faciliter leur accès aux informations. Des tensions demeurent sur ce sujet car il oppose les droits de l’enfant au respect de l’anonymat de la mère, deux enjeux bien légitimes qui posent des questions éthiques difficiles à résoudre.
Évolution du nombre d’accouchement sous X en France
Entre 2005 et les années 2010 l’accouchement sous X a connu une augmentation en France passant de 590 à 700 femmes accouchant dans le secret par an. Puis depuis les années 2020 on observe une diminution de cette pratique avec moins de 500 accouchements sous X en 2020, 390 en 2021 et 209 en 2022.
Pour quelles raisons une mère peut se poser la question d’accoucher sous X ?
Une mère peut accoucher sous X pour des raisons variées mais elles sont plus de 8 femmes sur 10 à découvrir leur grossesse tardivement, avec souvent un déni de grossesse. Situation de détresse profonde avec crainte de rejet ou de violences familiales si l’entourage apprenait la grossesse ; situation économique précaire avec parfois la peur d’être abandonnée par le conjoint ou sa famille ; difficultés psychologiques liées à la grossesse ou l’idée de devenir mère. L’accouchement sous X peut alors être envisagé comme une chance donnée à l’enfant de vivre dans un cadre plus sécurisant, plus stable.
L’accompagnement psychologique de l’accouchement sous X
Accompagnement psychologique pour la mère
Un accompagnement psychologique est proposé à la mère ayant accouché sous X par le biais de travailleurs sociaux et de psychologues afin d’accompagner les impacts émotionnels de l’accouchement et de sa décision.
Cet accompagnement est crucial pour la femme car l’accouchement sous X destiné à protéger la mère, la plonge également dans un silence qui peut être terriblement difficile à vivre. Renoncer à son enfant et ne pouvoir en parler à ses proches peut engendrer de la culpabilité, de la tristesse, de l’angoisse et un sentiment de profonde solitude. Certaines femmes éprouvent une forme de deuil sans pouvoir parler de leur souffrance et sans recevoir le soutien amical ou familial dont elles auraient besoin.
Après un accouchement sous X, une femme peut à tout moment au cours de sa vie lever le secret de son identité en adressant une demande écrite au Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles. Le CNAOP peut ainsi mettre à jour les informations pour permettre à l’enfant d’y accéder s’il en fait la demande, à partir de 13 ans s’il est accompagné par un parent adoptif, ou seul à partir de 18 ans.
Accompagnement psychologique pour l’enfant
Pour les enfants, avoir un jour des informations non identifiantes, peut être précieux.
Pour d’autres simplement savoir que c’est une possibilité sera suffisant. En effet certains enfants peuvent vivre difficilement le fait de ne pas connaître leurs parents biologiques et leurs origines et auront besoin d’un accompagnement psychologique.
Comment accompagner une femme qui se pose la question d’un accouchement sous X ?
Il est nécessaire de donner à la mère toutes les informations sur les aides financières qui peuvent lui être accordées avec l’arrivée d’un bébé. Les lieux d’accueil et de soutien à la parentalité peuvent être une ressource précieuse pour l’aider à y voir plus clair dans ce qu’elle souhaite pour elle-même et son bébé. Une mère qui se pose la question d’un accouchement sous X a besoin d’écoute, d’un espace de parole pour déposer ses inquiétudes afin de se sentir soutenue dans ce qu’elle vit.
Si cette question vous concerne, quels que soient vos questionnements, ne restez pas seule. Si vous avez confié votre enfant à l’adoption et que ce choix reste douloureux ; si vous pensez lever le secret de votre identité ; si un nouvel événement de vie vous amène à penser à l’enfant que vous avez confié… vous pouvez partager ce que vous vivez en toute confidentialité à un écoutant.
Retrouvez des témoignages de femmes ayant accouché sous X.