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J'ai choisi de donner la vie à bébé condamné

A cause d’une grave maladie génétique, on avait dit à Sabrina que la maternité n’était pas pour elle, qu’elle risquait sinon d’avoir un enfant handicapé. Mais quand l’impensable se produit, elle décide de devenir mère coûte que coûte…

« Mon bébé est un miracle »

Un adorable garçon aux yeux bleus qui pleure, rit et se réfugie dans les jupes de sa mère. Carson, 3 ans, ressemble à tous les autres petits enfants. Pourtant chacun de ses gestes bouleverse sa maman. « Mon bébé est un miracle, explique-t-elle. Je veux profiter de chacun de ses instants. » Son cœur tangue. Sabrina est née avec le mal de mère. Enfant, malgré des parents adoptifs aimants, elle a beaucoup souffert d’avoir été abandonnée. D’autant que sa mère biologique lui a laissé une très grave maladie génétique, incurable même, dans un très grand nombre de cas. « J’ai été adoptée quand j’avais 3 ans. J’ai souvent entendu mes parents évoquer la maladie de Duchenne, se souvient cette jeune femme de 35 ans. Je comprenais que c’était très sérieux. Mais comme ils avaient l’air de dire que c’était surtout grave pour les garçons, je n’ai jamais vraiment réagi. » A l’adolescence, elle apprend la triste vérité. « Quand j’ai atteint 14 ans, mes parents m’ont dit qu’ils avaient quelque chose à me révéler sur mes origines. » Elle apprend que la femme qui lui a donné la vie est porteuse du gène de la maladie de Duchenne. [….] L’adolescente doit se soumettre à une prise de sang. Le résultat est positif. « Pendant des années, j’ai refusé d’en reparler avec mes parents.  […] Le gène qu’elle porte risque de compliquer ses projets de maternité. « Si jamais un jour vous avez un fils, il aura un risque sur deux d’être très malade et de mourir. » lui explique le médecin.

La maladie se révèle

Elle essaie de ne pas y penser. Sabrina termine ses études et devient aide soignante. Mais la réalité la rattrape : un jour, elle s’évanouit pendant son service à l’hôpital. Diagnostic : elle souffre d’un souffle au cœur, une pathologie neuromusculaire, une des premières conséquences du gène de Duchenne. Impossible désormais de se voiler la face. « A 21 ans il a fallu me poser un pacemaker. En plus on m’a annoncé que mon cœur ne supporterait pas une grossesse. « Pour Sabrina, cette nouvelle est dure à entendre car elle commence justement à rêver de fonder une famille… Les médecins lui suggèrent alors d’adopter, tout comme ses parents à elle l’ont fait jadis. Avec son « patrimoine » génétique, c’est sans doute la meilleure solution. « Par chance, David, mon fiancé, a été formidable. Il m’a demandée en mariage et j’ai décidé de faire le deuil d’un enfant biologique. »

Découverte d’une grossesse

Pendant 8 ans, le couple vit heureux sans enfant. Il est loin d’imaginer que l’impensable va se produire. Un acte manqué peut être : à 31 ans, Sabrina découvre qu’elle est enceinte. Un oubli de pilule. « David était très inquiet, il m’a tout de suite dit qu’il fallait avorter. » Pourtant Sabrina ne peut s’empêche de rêver. Et si la vie lui avait fait ce cadeau ? D’autant que son cardiologue constate que l’état de son cœur s’est amélioré et pourra supporter une grossesse. « Je me suis imaginée maman d’une petite fille qui, elle, vivrait longtemps. » En revanche si c’est un garçon, elle sait qu’il mourra très jeune…

« La vie de cet enfant, si courte soit-elle, vaut tout de même la peine d’être vécue »

Sabrina va devoir patienter onze longues semaines avant de connaître le sexe de son enfant. On lui communiquera les résultats de l’amniocentèse par téléphone. « Madame, j’ai une bien mauvaise nouvelle… » Son mari a compris ce qui se passait quand il a vu Sabrina hagarde, s’effondrer dans le canapé en raccrochant le combiné. « C’était affreux. Je portais un petit garçon à qui j’ai transmis la maladie. Un bébé condamné, dit-elle. Malgré tout, je voulais qu’il vive cette petite vie. » Elle n’avortera pas. David, son mari, comprend les motivations de sa femme, surmonte ses doutes et décide de la soutenir dans son choix. Après tout, la vie de cet enfant, si courte soit-elle, vaut tout de même la peine d’être vécue. C’est une lourde décision, sans doute la plus difficile de toute leur vie. Mais c’est un pari aussi. « Une spécialiste nous a expliqué que la santé de notre petit garçon commencerait à se dégrader dès la première semaine après sa naissance. Elle nous a dit que ses muscles et ses bronches le lâcheraient progressivement et qu’il était possible qu’il meure dès l’âge de 10 ans.[…] Elle nous a aussi fait remarquer que 10 ans c’est long et que d’ici là, la science pouvait encore faire des progrès importants. »

« Les douze premiers mois, nous avons vécu un rêve »

En 2007, Sabrina donne donc naissance à un petit Carson, par césarienne, dans une maternité de Manchester, en Grande Bretagne. Un beau poupon qui ressemble à tous les autres bébés. « Les douze premiers mois, nous avons vécu un rêve. » Mais quand, à son premier anniversaire, l’enfant ne tient toujours pas sur ses jambes, Sabrina et David comprennent que le terrible compte à rebours est lancé… Carson a commencé à marcher et à parler un peu avant l’âge de 3 ans. Ses parents en sont persuadés : il va se battre, et eux aussi, de toutes leurs forces !

Son fils peut y arriver. La jeune mère en est certaine depuis qu’elle a lu l’histoire incroyable d’un jeune homme de 21 ans, né lui aussi avec la maladie de Duchenne. Un certain Carl Tilson  qui a consacré sa vie à la recherche contre cette dystrophie. « Il fallait que je le rencontre. », se souvient Sabrina. Je lui ai envoyé un message sur son site internet et il m’a immédiatement proposé de lui rendre visite à l’hôpital. »

De nouveaux espoirs

Elle est entrée dans la chambre du patient sur la pointe des pieds, une infirmière l’a prévenue qu’il serait sans doute très fatigué. Carl ne se retourne pas pour l’accueillir. Il ne lui tend pas la main. Il ne le peut plus parce qu’aujourd’hui, il est complètement paralysé. A 21 ans, tous ses muscles l’ont lâché à cause de la maladie. « Il fallait bien que je sache dans quoi nous nous étions engagés.  » explique la jeune femme. Sabrina appréhendait un peu cette entrevue mais au final, elle ne l’a jamais regrettée. Au contraire la rencontre l’a galvanisée. Grâce à lui, elle nourrit de nouveaux espoirs par rapport à son fils. Même si elle comprend que le jeune homme est en train de vivre ses dernières semaines, elle est éblouie par le chemin qu’il a parcouru. Il a déjoué les statistiques en vivant 10 ans de plus que ce que lui prédisaient les médecins. Et il a aussi crée une belle association, trouvé des fonds, voyagé, organisé divers séminaires pour aider la recherche et a même donné des conférences ! Sabrina a préféré ne retenir que les aspects positifs de cette rencontre, malgré la souffrance. « Je ne regretterai jamais d’avoir donné naissance à Carson. Si mon fils pouvait vivre la moitié de ce que Carl a vécu, je serai comblée. Et au fond de moi, je suis sûre qu’il y parviendra. »

Extrait d’un article paru dans « C’est dit »  N° 9 avril-mai 2011 : témoignage de la mère d’un enfant handicapé de la maladie de Duchenne.

J'ai choisi de donner la vie à bébé condamné